Flaine, une station d'art-chitecture
Nous avons passé deux semaines de vacances dans la station de Flaine (domaine skiable du Grand-Massif) et avons découvert à cette occasion une station accueillante (de part son personnel également), conviviale, agréable. Elle fut pensée conçue et construite par des gens passionnés à une époque où l'avenir faisait rêver des gens qui s'évertuaient à donner vie à ces rêves d'avenir...
Certes, depuis les années 60, l'avenir est devenu le présent puis le passé... Ainsi, Flaine, la station en béton peut paraître désuète et non intégrée au paysage montagnard traditionnel. Mais c'est là réduire notre regard à celui imposé par notre époque. Des immeubles imitant les chalets savoyards sont-ils réellement plus intégrés au paysage que ce béton qui rappelle les couleurs du lapiaz du désert de Platé qui domine la station de Flaine ? Le bois utilisé en parement (par dessus le béton) dans les stations plus récentes est-il vraiment plus écologique ?
Ce n'est pas un débat que je souhaite ouvrir ici, mais juste les yeux des visiteurs de notre époque ! Alors ouvrez vos yeux, je vous propose une petite balade photographique et architecturale dans la station de Flaine.
Très rapide historique : le potentiel du site est découvert en 1959 par Eric Boissonnas (géophysicien) et Gérard Chervaz (architecte). La station sera finalement inaugurée en 1969. En dix ans, une utopie va prendre réalité. La fonctionnalité, l'intégration et le respect du milieu naturel sera revendiqué avant la rentabilité économique. C'est l'architecte d'origine hongroise Marcel Breuer (mort aux Etats-Unis en 1981) qui va donner corps au projet des époux Boissonnas. L'identité architecturale de l'ensemble est tel qu'en 1991, les premiers bâtiments de la station (Hôtel de Flaine et le Beltegeuse) sont inscrits à la liste supplémentaire des Monuments Historiques.
Le concept architectural : Marcel Breuer va utiliser le matériau qui représente la modernité : le béton armé. Il utilisera des plaques moulées préfabriquées dans la vallée pour les assembler sur site. Ainsi la première tranche (1960-1976) se caractérise par des éléments de décor communs à tous les bâtiments. Ceux-ci sont pourtant tous différents, mais il en ressort une grande homogénéité. Le plan de masse entendait respecter la topographie des lieux. Il y aura donc trois niveaux et Marcel Breuer quittera le projet en 1978 alors que la troisième et dernière tranche est en cours de construction.
L'hotêl de Flaine et le Beltegeuse : En 1969 sont inaugurés les deux premiers bâtiments. On retrouve ici certainement tout le style voulu par Marcel Breuer. Aujourd'hui, ces deux immeubles sont des monuments historiques, témoins d'une architecture résolument moderniste des années 60. Imaginez un grand vaisseau de béton voguant sur les montagnes, imaginez les balcons comme autant de tiroirs ouverts vers la montagne. Des jeux d'ombres et de lumière entre les moulages de type diamant, les fenêtres et les balcons. Aujourd'hui encore, ce bâtiment comme posé sur la montagne est très impressionnant !
Un lieu d'art contemporain : Les créateurs de cette station étant aussi des mécènes d'art contemporain, un certain nombre d’œuvres de l'art contemporain sont à rencontrer, en particulier sur le Forum.
Flaine Forum : Jusqu'à 1976, sont bâtis les bâtiments sur la plateau du milieu. Il s'agit d'une sorte de rectangle ouvert sur le point de convergence des pistes de ski, avec au bout des bâtiments la gare inférieure du téléphérique des Grandes Platières. Aujourd'hui, cela reste un endroit agréable baigné de soleil et ouvert sur la montagne. Des commerces, des activités sportives et culturelles y sont proposées et ce centre de station respire la vie et le calme. Pas de bruit de voitures, un rapport espace/population idéal (au moins l'été) car la sensation d'être au milieu d'un centre de vie est présente mais sans jamais ressentir la pression de la foule.
Flaine Front de neige : C'est le plateau inférieur de la station. 3 bâtiments d'habitation construits directement sur les pistes entre 1976 et 1978.
Flaine Forêt : Le plateau supérieur est urbanisé à partir de 1978. Le style béton brut va disparaitre au profit de styles un peu plus actuels. Toutefois les bâtiments de France veillent à garder certains éléments stables pour préserver le périmètre de l’hôtel de Flaine. On y trouve des appartements, des résidences de tourisme, un centre commercial et un auditorium.
Les ascenseurs : Pour relier Flaine Forum à Flaine Forêt, deux ascenseurs ont été réalisés. Ces ascenseurs de couleur orange amènent un point de couleur dans cet environnement de béton. Ils font partie intégrante du paysage et sont un pont de communication important entre les deux quartiers.
Pour conclure : plus on regarde, plus on observe, plus on se documente, plus on apprend sur l'histoire de cette station et plus on s'y attache. C'est peut-être le propre de l'Art... L'architecture est un art et celle des années 60 cherchant à se projeter dans l'avenir a ses codes, ses adeptes et ses contradicteurs. Pour moi, il y a quelque chose de suranné, un lieu en train d'entrer dans l'histoire alors que cela nous semble si proche... Comment tout cela sera-t-il jugé dans l'avenir ? Essai pathétique de s'intégrer à un environnement si majestueux alors qu'on le dénature profondément ou exemple d'urbanisation réussi dont s'inspireront encore longtemps d'autres générations ?
C'est à chacun de prendre position, mais pour le moins, l'un des paris des créateurs est réussi : cette station est agréable à vivre et demeure relativement unique. Mais c'est peut-être là aussi sa faiblesse, son unicité démontre certainement également le côté utopique et sa base profonde n'a pas forcément été reproduite ailleurs...
Pour aller plus loin : si le sujet vous intéresse, je vous conseille le document publié sur le site de Flaine concernant l'historique de sa construction en cliquant ici :
Livret sur l'histoire de Flaine
ou en visitant le site de la station :
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durand michelle (mardi, 01 août 2017 12:39)
très interessant !
Trentinian François (dimanche, 21 août 2022 08:22)
Remarquable article. Du journalisme de haut vol. Inaltérable. Si nécessaire à la vie d'une société qui se nourrit de ses débats. De salubrité public !
Merci.